Muséum d’Histoire naturelle – Opération Titanochelon perpiniana – restauration d’une tortue fossile géante !
Le Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan conserve dans ses collections les restes fossilisés d’une tortue titanesque de Perpignan : Titanochelon perpiniana (Depéret, 1885). Sa découverte est un évènement : très peu de spécimens de son espèce sont connus, qui plus est aussi bien conservés ! Perpignan en possèderait ainsi un, peut-être aussi complet que celui de la Galerie de Paléontologie du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris.
Mais avant cela, il faut dégager tous les fossiles de leur gangue de sédiments...
C’est l’objectif de cette restauration, avec, à terme pour le Muséum de Perpignan, la reconstitution du squelette fossile de cette tortue titanesque.
Lors d’une précédente lettre d'information, nous avions laissé le fossile, direction l’atelier du restaurateur pour un dégagement dans les règles. La première étape était de comprendre la position du fossile dans le bloc de sédiment : nous avons affaire à une moitié de carapace[1], coupée dans le sens de la longueur… par une pelleteuse. C’est ce coup de godet qui a permis de découvrir cette tortue en 1992 lors d’un chantier, mais qui a laissé quelques traces.
Fig.1 : Bloc du fossile juste dégagé de sa gangue de plâtre. Une ligne claire émerge des sédiments (brun) : c’est le contour de la carapace en coupe,
séparée en deux parties par le godet d’une pelle mécanique. L’espace régulier entre les dents du godet est visible sur le fossile. © Paléoscènes
Du sédiment, une ligne plus claire se démarque et trahit les contours de la carapace. La partie bombée correspond à la partie dorsale, la dossière. On distingue une zone plus épaisse à gauche : à quoi correspond-elle ? En comparant avec les grandes tortues terrestres actuelles, comme celles des îles Galàpagos, on remarque que la carapace forme un bourrelet dans la région de la nuque. Voilà donc l’avant de la carapace, là où la tête émergeait du vivant de l’animal. Aurait-elle été conservée fossilisée à l’intérieur de la carapace ? La tête osseuse est une des parties qui concentrent le plus d’informations. Elle peut porter des traits propres à l’espèce, nous renseigner sur son mode de vie comme son régime alimentaire, révéler des indices sur sa parenté avec d’autres espèces.
C’est lors du confinement que la réponse est tombée. Le restaurateur a dégagé les sédiments de l’intérieur de la carapace. C’est une fouille comme sur le terrain mais à l’intérieur même du fossile, selon les techniques paléontologiques ! Grâce à cela, si un fossile est retrouvé dans la gangue, nous aurons un relevé précis : précieux pour l’identifier, savoir s’il appartenait à la tortue ou à un autre animal ou comprendre ce qu’il s’est passé après la mort de la tortue.
Fig.2 : Bloc du fossile en cours de fouille : le restaurateur dégage peu à peu
les sédiments à l’intérieur de la carapace, rejoignant le contour du fossile.
Ces sédiments sont conservés pour être tamisés et chercher des microfossiles. © Paléoscènes
Armé d’un couteau à huître, d’outils de dentiste et de pinceaux, c’est un travail de minutie qui s’engage. Et lorsque la roche devient plus dure, le restaurateur applique des tampons imbibés d’eau pour la ramollir. Grâce à ce procédé, ce sont près de 80kg de sédiments qui ont été retirés.
Fig.3 : Application de tampons imbibés d’eau pour ramollir les sédiments. © Paléoscènes
Au final, aucun gros ossement fossile n’a été retrouvé à l’intérieur de la carapace … dommage pour le crâne, rarement préservé lors de la fossilisation. Mais ce n’est pas pour autant que ces 80 kg de sédiment seront silencieux ! Ils cachent peut-être de très petits fossiles qui peuvent en dire long sur l’environnement où vivait cette tortue. Et la suite du dégagement promet encore des surprises. A suivre dans le prochain épisode !
Fig.4 : Bloc du fossile allégé des sédiments meubles.
Le fossile de la carapace est pris dans des dépôts plus durs : le couteau à huître
et les outils de dentiste vont céder la place à des moyens plus … percutants. © Paléoscènes
[1] L’autre partie a déjà pu être dégagée et attend sa moitié dans les réserves du Muséum.